Zorn a écrit:Je précise mon point de vue.
Exemple illustratif (dont la véracité reste à confirmer bien sûr) :
1) les Franj qui débarquent au moyen orient à la fin du XI ont certainement surpris les autochtones avec leur fameuse charge. Pendant combien de temps ? De plus la technique ce cette fameuse charge "lance couchée, et calée" était-elle déjà au point fin XI ? Bien sûr les Sarasin pouvait "charger" ; mais parle-t-on vraiment de la même chose ? Et concrètement, est-ce que cela mérite les bonus au dés ? A mon avis, non. Pas jusqu'au milieu du XII par exemple (il faut analyser les affrontements).
Soyons prudents !
Je reviens sur les "échanges" Franj/Musulmans et je vous offre un bout d'un petit texte écrit il y a quelques années, aux temps lointains, où c'était au programme du CAPES
L'avantage militaire des Francs : le problème de la charge de la cavalerie lourde
- Efficace
- 1er juillet 1096 à Dorylée
- 9 février 1098 au lac d’Antioche contre Ridwân d’Alep bien que la bataille soit plus complexe
- 28 juin 1098 contre Kerboghâ.
- 12 août 1099 à Ascalon contre l’armée fâtimide d’al-Afdal.
- 25-26 novembre 1177 à Ramla/Montgisard victoire de Baudouin IV contre Saladin
- 7 septembre 1191 à Arsuf, victoire de Richard Cœur de Lion contre le même.
- Echecs ;
- 7 mai 1104 Harrân en Djéziré où l’atabeg de Mossoul détruit la chevalerie d’Edesse.
- 28 juin 1118 Ager Sanguinis ou Ilghâzî détruit celle d’Antioche.
- 4 juillet 1187 : Hattîn
- Opposition de techniques militaires :
- Charges lourdes et répétées avec une grande puissance de choc
- cavalerie mobile et légère des musulmans que l’on appelle en al-Andalus le karr wa farr ou tornafuye fait d’attaques et de replis rapides dans lesquelles se jettent tête baissée les combattants francs pas habitués ainsi en 1238 lors du siège de Valence, Jacques Ier d’Aragon est blessé en secourant les chevaliers de l’archevêque de Narbonne qui sont tombés dans le piège.
- Le grand problème est celui du nombre, la tactique franque est dangereuse lorsque les musulmans sont assez nombreux pour envelopper l’adversaire.
- Hattîn est de ce type d’autant que les Francs sont en plus épuisés par la marche de 20 kilomètres faite pour arriver au contact.
- 19 juillet 1095 à Alarcos, Alphonse VIII trop confiant n’a pas attendu les contingents navarrais et léonais et les troupes arabes ont résisté à la charge franque d’autant que le moral est au plus haut grâce au commandement efficace du calife al-Mansûr. c’est ce qui manque en 1212 à Las Navas de Tolosa.
En bref, les échanges et les changements culturels ne se pratiquent guère aux XIIe en Orient, Les techniques de guerre sont aussi liées à la formation intellectuelle, à la culture (aus sens large du terme). Il ne viendrait à l'esprit de personne d'utiliser les modèles militaires de "l'autre", quand bien même cela serait utile. En Orient, la situation est fondamentalement différente de celle de l'Espagne : Dans la péninsule, les conditions sont différentes, la "cohabitation" est plus longue, les déséquilibres démographiques ne sont pas les mêmes. De ce fait, à force de les pratiquer, les musulmans ont vu l'intérêt de la charge lourde, mais comme ils n'y sont pas formés, ils préfèrent faire appel à des Francs + ou - renégats ce qui explique les formidables carrières. De plus dans cette région comme dans tout le monde musulman, le recours à des troupes de mercenaires étrangers est quasi « structurel ». La réputation militaire du Cid et l’existence de sa
mesnada de chevaliers fidèles (revoilà la mesnie) sont appréciées du côté musulman et donc dans les zones d’autorité indécises entre islam et chrétienté, il y a une prime à l’aventure : Le Cid, Giraldo Sempavor (1162-1176) qui grenouille entre le roi du Portugal et les Almohades, même chose pour Reverter Guislabert et son fils qui naviguent entre la Catalogne, le Maroc et les Baléares. En Italie du
Sud et en Sicile, c'est un peu la même chose au XIe seulement avec les Guiscard en Italie
Une telle situation ne se produit pas en Orient pour d'autres raisons structurelles (Ah la structure "braudélienne") : Il y a toujours un recours aux troupes étrangères de la part des pouvoirs locaux. Mais là, les élites arabes ont à leur disposition un vivier inédit en Occident (ou très rare) les Turcs dont l'emploi date de l’époque abbasside, très rapidement les élites arabes perdent l’habitude du service armé => recours à des groupes allogènes : Abbassides emploient les Turcs ; Bûyides utilisent les Daylamites persans; au XIe siècle les Fâtimides s’appuient sur des Berbères, puis de plus en plus sur des noirs d’origine servile et sur des Arméniens (parfois chrétiens) sans jamais remplacer les Berbères.
Cette utilisation massive d’esclaves de diverses origines qui voit sont aboutissement avec le régime mamlûk qui domine l’Egypte de 1250 à 1517.
Le système mamlûk, c'est à dire d'une armée servile est présent dans les taifas espagnols du Levant avec de jolies carrières d'esclaves qui prennent le pouvoir; il est déjà utilisé par Saladin comme le relate Guillaume de Tyr lors de la bataille de Ramla/Mongisard en 1177. Mais il atteint un degré de perfectionnement inusité en Egypte :
- Systématisation de l’achat de soldats-esclaves
- Interdiction des carrières militaires à leurs fils ce qui interdit une patrimonialisation.
- Régiments mamlûks constitués par al-Sâlîh (1240-1249) encasernés au Caire.
Ce qui caractérise les mamluks, ce ne sont pas tant leur techniques militaires (même si elles sont importantes), ce qui importe, c'est qu'il offre une "cohésion" sociale et une alternative politique et religieuse au monde musulman face à l'émergence du danger mongol.
Et voilà
Eric