Rencontre avec Gary Chalk

La série

Gary Chalk est le "génie" qui inventa Cry Havoc au début des années 80. Il est l'auteur des dessins des cartes et pions, alors que les règles ont été co-écrites avec Tony Webster (que j'ai interviewé plus tôt cette année. La traduction française viendra prochainement).  
Après une longue quête, j'ai réussi à entrer en contact avec lui depuis Las Vegas alors qu'il était en Normandie !

Buxeria: Gary, que vous acceptiez de répondre à mes questions est la meilleure chose qui me soit arrivée aujourd'hui.

Gary Chalk : Vous êtes à Las Vegas alors que je me gèle en Normandie et mon eMail est la meilleure chose qui vous arrive aujourd'hui ? Vous devriez sortir un peu plus.... Sans rire, c'est vraiment super de recevoir une réponse aussi chaleureuse !

B : Je suis allé trop souvent à Las Vegas ces 15 dernières années pour être encore sensible aux charmes de "Sin City". Pouvoir échanger,

Gary Chalk

même de manière vitrtuelle, avec celui qui a inventé le jeu qui m'a inspiré ces 25 dernières année est une expérience bien plus excitante. Revenons à Cry Havoc : ce jeu avait un certain nombre de concepts innovants qui sont une des clés de sa longévité : graphismes exceptionnels, personnages différenciés (noms, tenues, armes, etc...). Comment avez-vous inventé tout celà ?

G.C. : J'ai eu l'idée de Cry Havoc en tant que joueur de figurines qui avait commencé à pratiquer les wargames sur cartes : j'étais littéralement sidéré par le graphisme des jeux proposé à l'époque. Je ne pouvais pas comprendre que des joueurs soient prêts à passer des heures à pousser des petits pions khaki et vert de gris à travers des cartes couleur boue. J'ai pensé qu'il devait y avoir un moyen plus amusant de concevoir un wargame et je décidais de m'y mettre, avec tout l'enthousiasme de la jeunesse. 

J'ai décidé de donner des noms différents à chaque personnage car celà me semblait être l'extrême opposé de pions verdâtres marqués “3rd Shock Army”. De la même façon, je me suis déterminé pour l'époque médiévale car elle était haute en couleurs avec des armements variés, des personnages exceptionnels et une ambiance à mi-chemin entre le wargame et le jeu de rôle. Ce n'était pas une simulation sérieuse, ce n'était pas un travail raisonné sur le système féodal. 

B : Il y a toujours beaucoup de débats au sein de la communauté Cry Havoc au sujet des résultats de la table de combat à 1:1. Elle semble beaucoup trop favorable au défenseur. Y a t'il une raison à celà ?

G.C. : Cry Havoc devait être AMUSANT !!! C'est pour celà que les combats à 1:1 sont indécis : Sir Jacques et Sir Roger sont de force égale et échangent des coups d'épée, esquivent ou avancent quelques fois avant qu'un affreux paysan contourne Sir Jacques et plante sa fourche dans les parties sensibles du-dit Jacques, changeant ainsi le rapport de forces et mettant tristement fin au combat. 

Comme celà devait être drôle, je ne me suis pas embarrassé d'études de marché ou cherché de meilleurs idées. Après que Tony Webster et moi-même eument définis les règles, je me suis mis à la planche à dessin et ai conçu les pièces du jeu. Donc, s'il y a quoi que ce soit dans Cry Havoc qui ne vous plait pas, ne vous génez pas pour le changer.

B: Est-ce que les noms des différents personnages cachent quelque chose ?

G.C. : Les noms des personnages ont été choisis au hasard à partir de noms médiévaux que j'ai pu trouvé dans des ouvrages traitant de la période. 

B : Avez-vous toujours des esquisses ou des dessins non publiés de cartes ou personnages que vous pourriez nous montrer ?

G.C. : Je n'ai malheureusement plus aucune note ou dessin de cette époque. En tant qu'illustrateur, je nagerais aujourd'hui dans un océan de papiers jusqu'à la taille si j'avais gardé toutes mes ébauches et créations.

B : Les personnages à pied dont assez trapus et ressemblent presque à des nains. Etait-ce intentionnel, pour s'adapter à la forme carrée des pions ou juste un choix artistique ? Je trouve aussi que représenter des personnages de dos était assez osé pour l'époque. Comment vous est venue cette idée ?

G.C. : Les personnages sont assez petits et trapus, comme le sont la plupart des gens. Il y a peu de personnes grandes et élégantes dans la vraie vie. Vous avez peu de chance de croiser dans la rue le genre de personnes que vous voyez dans les pubs TV. Mais il est vrai que plus le personnage est petit, plus j'avais de place pour placer la pointe d'une lance ou d'une arme d'hast. J'ai aussi essayé de les diversifier en utilisant beaucoup de couleurs, en les

représentant de dos, de profil, etc. Je voulais me rapprocher le plus possible de figurines 25 mm pour wargames. J'aurais adoré produire des figurines pour jouer avec mes cartes.  

B : Parlons justement des cartes : pourquoi avoir utilisé une couleur jaunâtre pour représenter le terrain plat, alors que l'herbe anglaise est plutôt verte ;-) Et je cherche toujours la croisée des chemins sur la carte du même nom : pourquoi ce choix ?

G.C. : Je voulais que les cartes soient hautes en couleurs et me suis décidé sur un ton jaune sable qui pourrait être utilisé à peu près partout dans le monde. Si j'avais opté pour de l'herbe verte, celà n'aurait pas été bon pour le désert, etc... J'avais vaguement pensé à une variante au temps des Croisades et le jaune semblait donc être un bon choix. Les noms, comme la Croisée des chemins, ont été mis sur les

cartes pour les différencier en lieu et place de bêtes nombres froids et sans âme. Après toutes ces années, j'avoue finalement qu'il n'y a pas de croisée des chemins sur la carte du même nom. Je plaide coupable !

B : Que vous inspire le fait que votre création soit toujours admirée, jouée et augmentée 30 ans plus tard ? Si vous deviez réinventer ce jeu aujourd'hui, que feriez-vous différemment ?

G.C. : Je suis abasourdi que le jeu soit toujours pratiqué et soit encore si populaire aujourd'hui. Si je devais le refaire, je m'assurerais cette fois de gagner un peu d'argent ! J'ai découvert un peu tard que mes partenaires commerciaux, qui étaient deux imprimeurs, m'avaient câché leurs énormes problèmes financiers. Je n'ai eu aucun soutien pour développer le jeu, et j'ai dû finalement quitter Standard Games pour gagner ma vie. Je ne sais pas ce qui s'est passé après et qui a produit quoi : j'étais trop occupé à essayer de joindre les deux bouts. 

J'étais quand même devenu un concepteur de jeu et ai travaillé après pour Games Workshop, où j'ai travaillé sur la première version de Talisman, ai conçu Battlecars and Battlebikes et ai réalisé des tas d'illustrations pour eux. C'était avant que la société ne se tourne vers le côté obscur de la Force, quand elle voulait encore produire des jeux intéressants sur des sujets variés. Le reste fait partie de l'histoire et je suis devenu un homme avec un bel avenir derrière lui!

B : Quels sont vos projets actuels et futurs ?

G.C. : Je suis très occupé à écrire et illustrer des livres pour enfants, mais je voudrais produire à nouveau quelques jeux dans le style de Cry Havoc. En fait, je travaille sur quelque chose qui ressemble furieusement au même concept, transposé à l'époque de la poudre à canon. Y a t'il quelqu'un d'intéressé par des jeux d'escarmouches avec des Pirates, le Dernier des Mohicans ou Napoléon ? Des pions individualisés bien sûr, avec des cartes encore améliorées et un système de règles assez évolué. Malgré mes rides, je me sens prêt pour un nouveau challenge. Si celà vous met l'eau à la bouche, je peux même voir ce que je peux faire au sujet de ces affrontements à 1 contre 1 sur la table de résultats de combat...

B : Un grand merci, Gary, pour ces éclairages. Permettez-moi de vous remercier chaleureusement au nom de toute la communauté Cry Havoc !

Traduction de l'anglais par Buxeria - Décembre 2010